Philip Hammial
(USA)
Cloche
Je suis allé vers le clocher.
À une longue table des moines étaient penchés sur leurs bols.
Ils lapaient leur soupe.
C’était dégoûtant. Je leur ai demandé quand allez-vous
cesser de manger et sonner la cloche?
Et il y en a un, le plus vieux, qui, en s’essuyant la bouche sur la manche
de sa soutane, a répondu : le son qui doit reconduire
ta mère à la maison, quelle force doit-il avoir?
C’était une bonne question, à laquelle je n’avais pas
de réponse.
Ils m’ont offert de la soupe, que j’ai acceptée à contrecoeur,
c’était un bol dont on aurait dit qu’il était sans fond.
Quand tu auras terminé, dit le vieux moine, je vais faire
le bruit qui ramènera ta mère à la maison.
© Traduction: Èmile & Nicole Martel
Tabloid
Ma mère? Je la porte comme un vêtement en serrant aussi près que je le peux, tout
comme je l’ai toujours fait dans cette maison destinée au culte. Tout
un destin, la Mort pour rire alors que de fait
c’est un exercice de travestisme qu’on mène en dansant toute une chenille-conga.
un Mille Doré, de futures starlettes qui grattent et
qui déchirent jusqu’à ce qu’elles atteignent l’autre côté, jusqu’à : Zenshin
A-rippu kosu (un traitement comme des pleines lèvres sur tout le corps), Yoko qui crie
Une phrase Yam! Une phrase Yam! pendant que je ravare ma fierté
et continue. Note : tandis que Yoko s’envoie en l’air avec
votre serviteur il s’en prend à Betty, l’Américaine
pleine nature, simplement pour revenir. Méprisable bâtard, oh, juste
pour revenir je le veux, je le veux. Ce que Yoko mérite, son armoire
loin d’être vide, son rendez-vous avec l’assassin aux yeux qui louchent
sur la rue de l’Imam-désarçonné, sa situation commerciale
désespérée et des jambes pour aller avec, ses masses d’urine dans
des bouteilles près du lit, sa collection de queues de castor bouffées par les mites.
Je pense que je vais la porter elle aussi.
© Traduction: Èmile & Nicole Martel
Morsure
Les hommes me mordaient les bras.
On avait bandé les yeux du cheval.
Personne ne s’occupait d’éteindre le feu dans la pièce à côté.
‘Ça va brûler pour toujours et toi avec,’
dit la vieille femme, la mère des hommes.
Elle enleva ses vêtements et les mit dans une boîte
qu’elle me remit.
‘Enfile-les’, m’a-t-elle dit, ‘et donne-moi les tiens.’
J’ai fait ce qu’elle m’a dit et suis devenu la mère de sept hommes
pendant huit heures.
Quand j’ai dit à mes fils de mordre les bras de la vieille femme
ils ont refusé.
Puis nous avons échangé nos vêtements à nouveau.
Ça a duré sept mois.
Le premier jour du huitième mois on a emmené le cheval
dans la pièce en flammes.
Après que nous eûmes mangé le cheval, la vieille femme a dit à ses fils
de me mordre les bras.
© Traduction: Èmile & Nicole Martel
Correspondance
J’arrive à la maison et la fête bat son plein. De parfaits
inconnus. Des gens à l’allure ordinaire, mais pourtant
il manque quelque chose – pas de bouffe, pas de drinks. Ce qui les nourrit
vient d’ailleurs. Il n’y a pas
de quoi s’en faire, dit-elle en m’entrainant
vers une autre pièce, ma chambre à coucher, où elle me montre
la capsule qu’elle garde sous la langue. Est-ce que ce serait
du cyanure? Mords à tes risques et périls. J’en ai perdu
I’appétit. C’est tant mieux parce que la fête
est finie, les derniers invités s’en vont en emmenant
mes enfants. J’aimerais bien y aller moi aussi, mais je n’ai pas de billet,
le conducteur m’a expulsé, et la locomotive siffle
sous le clair de lune et ses énormes roues lentement, comme à regret
commencent à toumer, écrasant
complètement mon jardin. Leur nourriture
vient d’ailleurs. De
Constantinople. Vos enfants
vont aimer ça là-bas. En saluant
depuis une fenêtre (des enfants victoriens
dans un cadre tout orné) ils promettent d’écrire.
© Traduction: Èmile & Nicole Martel
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BIO
Philip Hammial a publié 29 recueils de poésie. Ses textes ont été traduits et publiés dans 7 anthologies internationals et dans 104 journaaux et revues, à travers différents pays. Chaque fois, il a représenté l’Australie. Entre 2009 et 2010, il a bénéficié d’une résidence d’auteur à la Cité Internationale des Arts, Paris.