Mihai Posada
(Roumanie)
/PROMÉTHÉE/
tant que le sens est consommé par la flamme
et que le mystère de l’aura se meut inaperçu
certains, aveuglés par la brillance,
croient encore que le dieu a pillé le ciel de ses tisons
à chaque crépuscule il pleure
le silence perdu comme un jardin
un bec d’acier picote son amertume
ce jour là il avait apporté dans la chaleur des poings
en guise de graines d’herbe
les mots
/L’ICÔNE DE MA MÈRE/
dans les vallées ombragées et les champs déserts,
ma mère,
la flûte du coucou coupe l’air d’un cri fou
le pas de danse de l’enfant touche l’orgue d’herbe
la terre à travers la chaleur de ton corps
exhale les parfums de la mémoire
oh! la nuit égarée dans les malheurs du jour
comme elle est pressée d’inhaler le rayon de lune
le vent incline la balance de la pensée
la douleur de l’argile m’enfante vers le ciel
seuls mes regards te trahissent
Pour le poète M. et /oserais-je/ (comme dans les années noires) : pour le versificateur I. Voici maintenant le poème (promis) „Imago”, (ainsi) dit, avec „Délicate-dédicace”
vouloir parler d’elle
c’est comme si tu voulais poser un piège à papillons
comme si une créature issue de toi
uniquement de ton nom ou portant ton nom
pouvait appauvrir l’alphabet
d’une ou deux lettres – tel
le parfum qui monte du saule tressé après la pluie d’été
comme si tu pouvais imaginer le frisson d’un coquelicot
violacé avant la chute de sa corolle
: voici une façon de mesurer la pointure de ses sandales
savoir se tenir devant elle percé par son regard
comme un cafard vert bourdonnant
qui te faisait peur quand tu étais enfant, si luisant qu’il
te déchirait le regard
pénétrant l’ iris miroir après miroir
doucement puis un son d’eau couvrait le bruit
de débris gardés dans le cerveau immergé
dans la musique des sphères, doucement
oh, vouloir parler d’elle
c’est comme si tu ne l’aimais pas
jusqu’au délire: ce parfum du frémissement d’un regard. Tu peux le sentir –
la fleur, qui dans son propre rêve est déjà fruit, sent la lumière
– comme si le mot se parait d’un halo de miel
ou d’un brouillard de lune –
venir, téméraire,
de loin, pour la regarder se courber sous l’abondance
des fruits, rayon hardi comme la faucille
de la paupière
/ET/ALORS?/
tout ce que tu peux faire
c’est écrire ces choses
toutes celles qui ont eu lieu,
passées et à jamais répétables
et te relever comme chaque fois
pour continuer le chemin en rajoutant
des nuances à l’ancienne couleur
lorsque devant des hombres prolongées au tracé de plus en plus fin
tu découvres que la flamme d’une bougie est plus intense
que le feu dans lequel jadis tu brûlais
tandis que sur son visage retourné vers toi
perlaient des gouttes brillantes de rosée
tout ce que tu peux faire
c’est tourner au fond de toi une à une les feuilles
de l’ancienne musique,
comme le filet d’huile qui coule dans la lampe
et étant toi-même une alcôve
te laisser pénétrer par le sourire
de cette fente de lumière
retourner une fourchée de foin depuis longtemps
fauché, cela suffit pour faire jaillir le printemps
dans la mémoire ainsi que tout d’un coup la lumière
dans la pièce jusqu’à présent assombrie
par tant de lettres empilées autour de toi
comme si tout pouvait recommencer
encore et à nouveau
lève ton regard juste le temps
de surprendre son regard à elle où ruisselle
une attente ardente qui te fixe – un flot envahit
le sable brûlant de la côte
parmi les rochers noirs
au son d’un doux applaudissement
parmi les coquilles vides et les claires étoiles
la nuit aux chevilles fines
entre le temps d’antan et le moment présent
voyage sans cesse et sans retour
nul part en dehors de l’image, dis-je,
tu la sens douloureusement se faufiler
et se blottir entre les plis du temps
Tirés du livre Les élégies de Sémyase (Elegiile lui Semyaza)
Sibiu, Bibliothèque Euphorion, 1993.
Traduit du roumain par Livia Iolanda Lalu
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Mihai Posada (pseudonyme ; Nom : NICOLAE-MIHAIL BARBU).
Né à SIBIU (Transylvanie, Roumanie) en 1953. Mène une activité littéraire soutenue dès le plus jeune âge. Diplomé de l’Ecole d’Arts appliqués de Sibiu. Plusieurs expositions et prix accordés pour des gravures, aquarelles et peinture à l’huile.
Poète autodidacte, dont la participation à de nombreux concours littéraires est récompensée par différents prix. Publie deux volumes de poésie: Elegiile lui Semyaza (Les élégies de Sémyase) en 1993, et Anagnoze & Apocrife (Anagnoses & Apocryphes) en 1999, Acasă (2007).
Formation de Journaliste à l’Université de Sibiu. Actuellement secrétaire de rédaction au quotidien „Tribuna” de Sibiu.
Doctorat en Lettres Modernes à l’Université „Lucian Blaga”, Sibiu, 2005.
Auteur d’une étude sur une personnalité créatrice polyvalente vivant à Sibiu Laurenţiu Oprea – un spirit viu în Cetatea Transilvaniei (Laurenţiu Oprea – un esprit vif dans la Cité de Transylvanie), 2005, et d’une analyse approfondie de L’œuvre de journaliste de Mircea Eliade: Opera publicistică a lui Mircea Eliade, 2006.