Marlène Tissot
(France)
Le ciel & toi & moi
Par la fenêtre
une lune-sourire
au tracé aiguisé
sur l’encre du ciel
et les étoiles partout
comme des petits yeux
moquant ma nuit
sur le canapé
In Life We Trust
La fragilité féroce
de l’espoir
sur lequel
on bâtit
des empires
Rafistoler
Parfois on regarde les choses
s’abîmer
tout doucement
et c’est pas vraiment qu’on attend
que ce soit complètement foutu
parfois on se dit même
qu’on pourrait rafistoler
avant qu’il soit trop tard
avant que tout soit délabré
avant de n’avoir plus nulle part
ou poser son cul
plus personne
à prendre dans ses bras
Laisser déteindre les pétales
Il suffirait sans doute de se concentrer
assez fort sur un détail pour oublier les
cicatrices et les morsures. Rester là, avec
le regard perché sur la branche du pêcher
qui commence à fleurir. Se concentrer
assez fort pour que le rose délicat des
pétales déteigne doucement sur la vie autour.
Souffler sur la poussière
Elle a la vie qui griffe
à se retrouver coincée
entre les lignes serrées
d’une histoire inscrite
sur le vif de la peau
elle lit les jours
page après page
guettant la lueur
d’une happy end
espérant que tout ça
c’est pas la réalité
qu’il suffira de
souffler sur la poussière
pour que les choses
retrouvent
un peu de leur
éclat
La peur de toi
Je voudrais bien
grandir en dedans moi
comme j’ai grandi en apparence
mais j’ai l’enfance
les tresses et
les dents de lait
qui restent là
planquées sous mes rides
et je n’arrive pas à comprendre
pourquoi elle me colle à la peau
la peur de toi
papa
La quatrième feuille
Je me souviens
du poids du soleil
du goût des fleurs
de ma frange trop longue
de mes genoux tout verts
de cet après-midi entier
passé à chercher
entre les brins d’herbe
un trèfle à quatre feuilles
comme si la magie de
cette feuille en trop
avait pu chasser
à elle seule
tous les monstres
aux griffes trop longues
plantées dans la peau
de mes jours
Toucher sa peau
Elle est du genre
qui baisse la tête
quand elle marche dans la rue
du genre qui s’imagine
que les regards pourraient
la transpercer
comme des couteaux
et elle aimerait que
le monde oublie sa rage
que la ville perde son gris
que ce soit la fête
des bouquets de rires
sous un chapiteau
une piste pleine de sciure
des lions
des équilibristes
un cracheur de feu
des clowns
un lanceur de couteau
qui viserait tout autour d’elle
sans jamais toucher sa peau
sans jamais
toucher
sa peau
Figée
Elle s’enrobe d’habitudes
d’une multitude de petits gestes
rassurants peut-être
elle coule ses jours doucement
dans la résine
elle se résigne
Disparaître
Ses jambes
interminables
(ton regard)
ses mains
ses seins
(ton regard)
ses jambes
interminables
les miennes
que je croise
serrées
fort
je ne me demande même pas
pourquoi c’est elle que tu regardes
et pas moi
ça me semble
tellement
évident
ses jambes
interminables
les miennes
croisées
à me replier
tout autour de moi
froisser la peau
la chair
plier encore
devenir de plus en plus
petite
insignifiante
jusqu’à disparaître
complètement
Faraway, so close
On serait capable d’aller
au bout du monde
pour chercher
ce qu’on n’est pas capable
de trouver
au fond de sa poche
Itinéraire bis
S’exercer au bonheur
en parcourant les mille et un chemins
qui mènent à ton sourire
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