Marie-Jeanne Heusbourg
(France)
Destin de poète
Le poète est seul
Il n’est qu’un présent
Merveilleusement léger
Il n’a ni passé, ni futur
Demain,
Il ne sera plus, alors
Laissons demain à demain
Laisse-nous ne penser qu’à ce soir
Ce soir, toi ami
Rencontré au détour du hasard
Ou d’un verre trop plein
Recueille le sang qui coule
De ce monstre, le cœur, mon cœur
Recueille–le et garde-le une ultime seconde
Au chaud de ton âme
Demain, ou déjà ce soir, qui sait
Je ne serai plus
Tant mieux ce soir
Aime-moi, ce sera mon ultime bonheur !
J’en ferai ton ultime cadeau
Tu vas m’aimer en pensant
A autre chose, j’en suis sure !
Comment pourrait-on,
S’embarrasser d’un poète ?
Cela n’a guère d’importance, tu sais !
On ne se fait guère d’illusion chez moi,
Alors, laisse-moi croire
Elle ne te coûte pas grand-chose l’imagination…
Sur mon corps froid, demain
Ne verse pas une goutte de larme !
Ne gaspille pas les chemins transparents de tes yeux
Garde-les pour d’autres allers-retours
!
Quand je serai raide
Et immobile dans la mobilité
Ne viens pas pour le cortège
Reste chez toi ou chez moi
Et pense à la création de la mort par la voie de l’amour !
Pense à mon sang
Que tu as recueilli
Pense et puis…
Caresse une rose
Je ne suis qu’une étoile
Je ne suis que poète
Quel triste sire
Et quel triste sort…
Pourtant, le poète te donne
Et son âme et son cœur
Ce sont là, ses seules richesses
Garde-les jusqu’à demain
Et quand la mémoire fragile
sera recouverte de poussières
Jette alors le tout aux ordures
Ou aux quatre vents
C’est là, le sort de ceux de ma race orphique
…
Savoir
Savoir
Et oser dire
Qu’on ne sait rien
Oser se regarder nu
Sans fard, ni parure
Savoir
Et oser dire
Que l’on ne sait rien
Ou pas grand-chose !
Savoir
Mais ne pas dire
Que l’on ne peut rien
Être femme, être artiste
Mais ne pas oublier
Que l’on est
Être femme toute entière
Femme de cœur, de violence
De croyance
Savoir
Que l’on
est artiste et oser le crier partout.
Elle sourit… et contemple, enfin délestée, le périple parcouru.
(Brins d’émotions)
Sortir de l’emprise de cette fascination morbide lui aura nécessité de si longs mois… Captive de ce monstre tentaculaire, asphyxiée par l’étau de ses pinces, le souffle lui a longtemps manqué pour s’extirper de cette histoire d’Ô. Persévérance et clairvoyance lui permirent enfin de voir les failles dans la carapace, de déceler quelques jointures plus faibles.
Lui, prête son marteau. D’un coup bien placé, la vérité jaillit enfin, les masques tombent et elle se libère du joug… Enfin… détaché de cette pesanteur… respirant à nouveau… ! Emplir ses poumons de cet air rafraichissant… Retrouver les couleurs de la vie…
Elle s’élève, aperçoit au loin qu’une nouvelle sirène tombe déjà dans ses filets. Il s’est vite réassemblé. Mais elle est plus mature et expérimentée, elle saura se sortir de cette fange mouvante, couper court à cette dépendance. Il le faut… le vernis de ce portrait craquèle… Doucement…, le voile s’envolera vite.
Elle plane à nouveau, galvanisée par cette bouffée d’R. Ils sont tour à tour, tourbillonnant et vibrant à l’unisson. L’harmonie après le marasme… Des ombres ancestrales les ont guidés dans leurs songes. Ils ont conquis la maitrise de leurs destins.
Sereine à ses côtés, guidés par la tiédeur constante de ce rayon de soleil au loin, elle admire l’horizon infini.
Elle sourit à la vue de ce bel équipage. Cette crevette qu’elle berce en son sein de leurs tendres confidences. Et puis, comme souvenir, son hibou, toujours vaillant, garde les yeux grands ouverts et les comble de sagesse. Le serpent à plumes ondule perpétuellement fantasque. Et son martin pêcheur, ô surprise, fido fidèle, revient voleter timidement, pour garder l’inspiration.
À bien y penser…
Une flamme qui s’asphyxiait,
C’est d’R dont elle avait besoin
Pour s’épanouir enfin …
Elle écrit sur le destin, et la fierté d’être une artiste.
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Marie-Jeanne Heusbourg est Lorraine. Elle vit dans l’écrit et pour l’écrit. Passionnée par la littérature et les arts, elle consacre toute sa vie à la lecture admirative des Autres… De temps en temps, elle écrit pour soi-même. Sa plume sait toujours trouver les puits d’encre où s’abreuvent les mondes de la solitude.