Marie Aubrée
(France)
Le silence
Chut.
Il dort.
Qui ?
Le Silence.
Pourquoi dites-vous que le Silence dort ?
Chut, je vous dis.
Il faut se taire quand
le Silence prend sa respiration
Prêter l’oreille
Protéger son sommeil
Le sommeil est réparateur
Le tumulte, lui, fait trop mal aux oreilles
Créer le silence quand le Silence dort
Pour qu’à son réveil
Doté de tant de calme
Il offre sur un plateau d’argent
La parole à la lune naissante
Et le bruit de la nuit
Glissant jusqu’aux étangs
Offrira aux esprits
Ses doux sons grisants et
A nos tempes tranquilles
Nos rêves les plus fous
Sans hâte, s’éveilleront
Nos bouches bavardes
A d’autres bouches bavardes
Trouveront leurs échos
Dans les paroles dort
l’argent
silencieux.
Libérée et Libre
un jour là-bas
un certain jour
sur ma tombe
pose quelques ombres
un certain corps
je crie
et dis des mots
des mots – fleurs
y laisse des pleurs
des pleurs – chagrin
lassée par le vide
blessée par le manque
vide
incertaine
je repars
fragile
légère
chante un air
la chose est telle qu’elle est
j’ai fait ce que je devais faire
bien fait ; certain
m’en vais
paisible
ne me retourne pas
mes pas incertains
ombres
d’ elle libérée
mes pas assurés
vont au bout du monde
sur ce chemin
je suis libre
et libre, heureuse enfin !
le 5 Janvier 2009
L’Alchimiste et le Nombre d’or
Théoriquement, le sage penché sur les nombres pense !
Pense-t-il à celui par qui les nombres ont commencé à danser ?
Pense-t-il seulement à oser les manipuler pour en faire une valse?
Pense-t-il que les nombres au nombre incalculable peuvent être calculés à l’infini, à leur infini ?
Théoriquement, oui !
Mais, penché au-dessus de son ombre, que fait vraiment le savant à part dormir …
Ne nous voilons pas la face, quand un savant pense les yeux fermés, il laisse passer une ombre et de cette ombre immense, in-nombrable, jaillit une image : celle d’une ombre, celle du Nombre, l’ombre qui dort quand le savant sommeille et qui devient le Nombre, son Nombre d’or.
Théoriquement tous les Grands Sages savent cela, mais ils remettent constamment leur ouvrage sur la table ;
table des matières, matière à réfléchir, manière de répondre à la Matière par les nombres si nombreux qu’ils finissent par endormir les Savants.
L’hypocrite Hippocrate riait déjà bien en pensant à ses disciples …
Il savait qu’ils s’endormiraient sur leurs calculs, leur matière grise n’en pouvant plus de calculer sans relâche pendant des siècles et des siècles l’emplacement de leur seule ombre : le Nombre-Ombre.
Laissons-les s’assoupir, laissons-les rêver à la grandeur du Nombre, à la taille d’une ombre, leur ombre d’or !
A tous les amoureux des chiffres et du sommeil pour que le Nombre d’or passe dans leur ciel étoilé calme et reposé, à tous ces Etres en paix, si nombreux et si fatigués, épargnons les gens simples, qu’ils leur disent en les regardant de loin : « plus de bruit ! Le Nombre dort. »
Théoriciens, Mathématiciens, Musiciens, vous qui savez que les chiffres devenus ombres des nombres aiment danser, dites-nous quelle valse ils dansent ? La valse de la Vie, la valse de l’Energie, valse de l’infini, laquelle, s’il vous plaît ?!
En petit clin d’œil à vos Lumières …
le 18 Janvier 2011
Poème succulent
ou
La Tarte aux pommes maison
Versez la farine sur la table de la cuisine
creusez un joli puits profond
déposez vos plus gros œufs de ferme
versez en pluie les grains de sel
un tout petit peu d’eau
puis le bon beurre ramolli
plongez vos mains en ce
moelleux mélange
fermez les yeux
pétrissez
sentez la douceur sensuelle
de la pâte qui se forme
sous vos doigts experts
respirez l’odeur douceâtre
du dimanche matin
dans la cuisine familiale
vous avez dix ans
les mains de votre maman
viennent de pénétrer le nid
où tout va se jouer
puis, doucement, revenez chez vous
ouvrez les yeux et
constatez l’avancée de votre travail
une belle pâte souple et parfumée
ondoie sous vos doigts dégourdis
vous êtes ravie
ravie et impatiente
prenez le moule de faïence blanche
posez la pâte étale
remontez-la sur les bords
pour faire de beaux crans
votre plat est fin prêt
espérant ses fruits
oh ! les belles pommes
rougissent d’amour
lavées, épluchées, tranchées
disposées bord à bord
comme faisait votre maman
dans votre bon souvenir
les rondes ainsi faites
versez la cassonade
et l’épice chaude
recouvrez-les
du reste de la pâte
faites des petits trous
petites fenêtres précieuses
pour laisser passer la bonne odeur
quand ça cuira tout à l’heure
plus de vieille cuisinière
votre four fera l’affaire
il attend ardent et décidé
de fignoler votre œuvre
quelques dizaines de minutes plus tard
l’arôme pomme-cannelle
aura répandu ses volutes
en tentations divines
ça y est !
vous y êtes !
vous avez dix ans
votre maman vient de poser
la merveilleuse tarte
sur la volette métallique
ne pas brûler la nappe
vous respirez
humez tel un animal
l’odeur de votre enfance
l’odeur chaude et sucrée
au diable la garde-robe !
vous décidez déjà
de couper une part
de ce dessert fumant
dessert-nostalgie
rieur et magique
et déjà vous mordez
à pleines dents
Poème truculent ou
Sensuel Poème
Retirez la clef de la porte d’entrée
commencez à monter l’escalier
retirez vos chaussures une à une
sur la rouge moquette
faites glisser vos bas de soie
nonchalamment
jetez-les
voyez leur souplesse
quand ils caressent les premières marches
vous commencez à sourire
et mordillez vos lèvres
ouvrez la fermeture éclair de votre jupe
laissez le tissu s’échapper
et colorer deux marches
l’effet vous étonne
vous souriez encore
retirez votre pull en cachemire
installez-le
délicat
sur la rampe
manches étirées
comme s’il voulait vous retenir
sa texture légère se prenant dans le bois
dégrafez votre soutien-gorge
il trouvera sa place
sur trois marches gourmandes
maintenant courez
courez dans l’escalier
pour fignoler votre joyeuse idée
sur la dernière marche
dernière petite touche
votre jolie culotte
mutine
viendra titiller le regard
vos rires vous amusent
vous pensez au bientôt
à l’effet de surprise
vous riez
riez plus fort
et vous voilà
renversante
parfumée
et charnelle
ouvrez vos draps satinés
sautez sur le lit
faites un nid profond
pressentez le plaisir
aux prochains délices
et,
voluptueuse
lascive
prenez déjà la pose
impudique
libertine
devinez-en le dénouement
vos bras caressent le drap
vous écoutez
la porte d’entrée s’ouvre
fermez les yeux
fiévreuse
imaginez ses sourires
aux dents blanches carnassières
souriez
riez
ouvrez les yeux
il est là
séduisant
rayonnant
s’approche
lentement
vous humant
ses yeux diamants
ses rides – soleils
le moment est à vous
le moment des amants
vous approchez vos bouches
de ce dessert gourmand
votre souffle se fait court
ne pouvez plus attendre
et déjà vous mordez
dedans
goûtez
mangez
reprenez encore
vos jeux
vos rires étouffés
vos caresses espiègles
dans l’escalier
les vêtements aguicheurs
a…
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dent
le 29 Mars 2011
Textes inédits. Le copyright appartient à Marie Aubree.
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Née en Picardie, Marie Aubrée laissa s’exalter son amour pour la Liberté, sa passion des fleurs et celle des livres. Adolescente, elle fut séduite par les écrivains romantiques et se reconnut dans George Sand ! Mère de deux enfants et grand-mère de trois petits, elle est à la fois leur poète et leur clown. Un mot d’eux, et la voilà comme suspendue aux aiguilles de Big Ben. Installée en Lorraine depuis 1989, c’est l’écriture qui lui apporte au fil des ans ses nouvelles émotions. Chez elle, tout est symbole, tout est plaisir.
http://www.edilivre.com/entre-fleurs-poesie-marie-aubree.html