Margo Berdeshevsky
(USA)
Le viol de l’Amérique. Du pareil au même :
Trop mangeurs des viandes des morts
––interdits de retour au monde des vivants––
Trop Perséphone forcée par le dieu infernal aux chevaux de suie,
Amérique, violée par des gars de ciel leur testostérone et semence de glace
Trop Pétropolis à la Mandelstam où de nous ne restera que de l’os –– nous aussi
à boire l’air de mort, trop comme ce viol antique––barde après barde.
Mythologiques pépins de grenade sous le poing gaveur d’un dieu fou
trop mensonges intubés ingurgités de fin à début de nuit noire
Trop contours sans voix, éclats de lumière entachée à l’impressionniste––
Trop bébés égarés rampant sur toiles d’épines, abandonnés sans yeux––
Les poussières d’holocauste debout en vent de sable ressusciteront
des cendres mémoire intacte.
Viol de l’Amérique ? Oui, rois des enfers rois des gratte-ciels
––les cendres se lèvent. Finis les feux, vous ramperez les yeux crevés.
Allez crever la faim au ventre !
Allez vous repaître des viandes des morts !
Margo Berdeshevsky /2017
(inédit) Traduction de Jean Migrenne
Coupé
Soleil cou coupé –Apollinaire
Dans leurs messes basses de jours usés jusqu’à la corde
telle une ceinture boulochée de vieille nonne nudité cachée
sous sa nuit de bure
Devant leurs escargots à l’ail et la bénédiction
d’un après-midi en bord de Seine ––l’une avant
sa nuit dans les bras d’un amant, l’autre sans
rien, sauf Paris…
alors qu’à mi-voix elles parlaient présidents
bidon et catastrophiques, de bombe qui a failli
tuer hier soir, que celle dont l’œil est plus noir
voulait que l’autre lise les Naufragés et les Rescapés
de Primo Levi–– alors que l’une et l’autre savaient bien
que c’était un de ces mardis, de ces novembre à prendre
ou à laisser sinon cet après-midi
la semaine prochaine
Alors que l’œil-plus-clair évitait une abeille
sur son visage et que l’autre la chassait d’une taloche,
que l’une et l’autre se rencognaient devant l’aiguillon, l’une
a levé son verre de vin vide qui savait attraper
une abeille en plein vol et l’asphyxier, l’a coincée
entre nappe et cloche, et elles de rester là sourdes
aux bêlements de la bestiole qui agitait ses pattes
maigrichonnes, se retournait et roulait sur
son corps doré tandis que continuaient les messes basses
sur les fins du monde, jusqu’à que celle qui ne cessait
de la regarder mourir sans avoir piqué, n’en pouvant plus
de son agonie, ait fait glisser verre et prisonnière
jusqu’au bord de la table fait acte de contrition
fait basculer le verre et tomber l’abeille délivrée dans
les éclats par terre sous l’œil du garçon
qui applaudit––
Margo Berdeshevsky /2017
Traduction de Jean Migrenne
(Previously published in Siècle 21 N° 30, printemps 2017)
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Infos sur l’auteure sur son site: : http://margoberdeshevsky.com