Erwann Rougé
breuil
Pour Stéphanie et Jean Pierre
L’écorce craque un bruit
c’est un lent débrouillement de mots
entre l’humidité et le plus enfoui
entre l’entaille du noir
et le crissement du jour
au matin – entrer dans la fouille
les corbeaux touchent les yeux
on ne sait de quel arbre
une feuille morte est collée à la chaussure
d’avance le crissement
de l’ongle sous chaque haie
et l’épine le long du dos
peau pour peau
extraire sous l’ortie
le foudroiement des os
du talus l’oubli sortira avec une échappée de langue
un rapace survole la cime
attends – attends des heures durant
il y a de l’arbre sous l’écriture
le vent perd ses feuilles
dans le ricanement d’une pie
l’entaille est rouge
ainsi touchée par la boue
et l’autre cherche longtemps – si tard que les feuilles sont du noir avec les yeux – avec les dents
le bris éparpille la lumière
départage les eaux
on devrait voir beaucoup
pour déloger l’effroi
assourdir l’air
le toucher des moisissures
la mort déjà commencée
l’ombre – ailleurs
le tas de feuilles pourrit – si bien
que le cœur s’affole – creuse son trou
on pense que l’on est caché
dans le sec – le frêle
la chaleur bat l’air de chaque mot
et le mot n’en revient pas
se laisse tomber – entre en terre
ce qui est tien : le toucher
comme un qui
écorce la claire lumière
par lenteur – par lenteur
n’oublies pas – le froid est un bâton pour détourner la fraîcheur levée dans les branches
l’humide se perd
il a plu du sang
avec les doigts d’eau
fouir les nerfs les vulves les griffures
c’est de la chair qui se fend
nul n’éclaire l’absence
rien ne va plus loin que le corps nu
puis – c’est arrivé du coté des yeux
la taie d’un nuage
et la rosée noire sous les dents
le blanc des os a éclaté son ciel
ce qui reste se mélange à l’air
dans le corps des amants
un peu de froid passe le guet
tout est seul et peu de choses
il suffit de remuer la proie
on parle avec et ce n’est pas encore cela – mourir
difficile à dire le plus rien
le lichen à vif
la joie d’après pour accueillir
toucher l’usure
dans les eaux aveugles
dire la nuit-fruit
où nous avions nos amours
plus que le vert et l’herbe dans la main – la branche crie jusqu’à la cime : oubliez – moi passionnément
à l’intérieur de la langue
tout est devenu autre
la feuille le souffle le blanc
la tendresse plus légère
l’instant plus haut où
les yeux ne quittent plus l’étrangeté
des ombres allongées en nous
rappelle – moi le jasmin la clématite l’orchidée – l’ipomée continue de grimper avec le désir
une senteur d’aile
pour rappeler la soif de naître
le bruissement
de la tige portée à la pluie
danse hors de la danse
brindille entre les dents
altitude du toucher – maintenant – maintenant
le même geste – la même voix
le pourquoi
la candeur d’oubli
le calme et l’arrêt du monde
le secret dans le creux
de la nuit lente
et l’insulte de bleu
sur les grands arbres
approche le doigt, Riwana
une larme dort sur le front – approche le doigt