Charles Pennequin
(France)
Charles Pennequin écrit depuis qu’il est né. Depuis qu’il est né Charles Pennequin écrit. Ecrit depuis qu’il est né. Charles Pennequin ? Charles Pennequin. Depuis qu’il est né. Il est né depuis. Et il écrit. Charles. Né Pennequin. Depuis. Il est écrit. Né Pennequin Charles. Il écrit qu’il écrit.
(rd)
Je ne travaille pas la poésie, je ne travaille jamais, je travaille mais ça ne travaille jamais, c’est de la poésie, la poésie travaille, je ne travaille pas, c’est jamais le moment, quand est-ce le moment de travailler, c’est de la poésie, je ne travaille jamais, la poésie est travaillée, qui est-ce qui me travaille, nous ne travaillerons jamais, la poésie agit dans l’espace, la poésie est pauvre, c’est la pauvreté, nous sommes pauvres, nous sommes tristes, nous voulons travailler, la poésie est une preuve, nous foutons rien, elle prouve une existence, c’est pour qui la dédicace, la poésie prouve un espace, n’importe lequel, c’est n’importe quoi, ta gueule, fermez-là, écoute cette parole, non, pourquoi tu es sur ta chaise, non pitié, il prend sa tête dans les mains, la poésie prend de l’espace, la poésie est nulle part, aucune preuve n’a existé, il est temps qu’on s’en aille, allez hop, foutons le camp d’ici, nous ne travaillerons pas, ils sont plus là, la poésie prouve qu’il n’y a rien, avant il n’y avait rien non plus, la poésie a travaillé, avant il y avait le vide, aujourd’hui je rempli ma fiche, vous voulez combien au juste, avant il y avait quelqu’un qui parlait ici, tais-toi, oui madame nous sommes seuls, ferme-là une bonne fois, éteins cette lampe s’il te plait, personne s’est tu, tout le monde a ouvert la bouche, a ouvert la voix, personne n’a prononcé un mot, nous sommes tous pareil,il n’y a que moi qui suis différend, ça nous fera des vacances, replies tes papiers, dis merci, quelle est ma différence, je travaille, je ne travaille pas, j’appuie sur un bouton, je dis oui, je dis non, j’écoute pas, personne n’écoute, j’appuie encore sur le bouton, comment vous faites on dirait que c’est vrai, c’est le travail, je rempli mon estomac, je m’endors, les autres existent, il tardent, nous ne sommes pas arrivés, nous ferions mieux d’y être, quelqu’un allume la lampe, rien qui agit, tout pousse à devenir, rien n’est jamais là, on attend encore un peu, la poésie s’effondre, jamais je ne travaillerai, personne ne fait ce qu’il faut, tout le monde est sorti voir le poète, ce n’était qu’une tombe, quelque chose s’écrase au loin, les gens glissent le long des palissades, les gens se trouvent nez à nez avec les gens, qui est-ce qui s’est mis à parler, personne ne se taira jamais, ouf les animaux, qu’est-ce qu’il y a madame, ils ont de la chance, je mets à quel nom, ceux qui vivent dans des îles, il y a des animaux qui vivent dans les îles, c’est pour mon petit garçon, on a vu la vidéo sur youtube, il y a des animaux qui ressemblent à des bêtes, nous sommes tous d’un autre âge, la chance est avec vous, le travail peut m’attendre, la chance repart aussi sec, le travail vous reste sur les bras, les bras ballottent, un peu d’air ça fait du bien, avez-vous des bouteilles d’eau, cette poésie n’existera pas, les bras n’en finissent pas de ballotter, quelqu’un qui va prononcer le discours, fumer ma clope, quelqu’un nous écoutera un jour c’est promis, on n’en finit plus de vivre, quand est-ce qu’il vont s’arrêter dans le discours, un accord semble être trouvé, je ne me laverai plus jamais, je ne me regarderai plus jamais, je ne t’écouterai plus jamais, je marcherai tout droit par ici, quelqu’un est déjà tombé là, j’ai toute sorte de mots, j’arrête pas de leur dire, il n’y a rien à dire, je travaillerai plus tard, j’ai trop de boulot.
je cherche mes mots mes petits mots venez les petits mots venez à moi mes petits mots à moi ils doivent en rester là en creux tout contre moi venez vous blottir venez même dans moi les petits mots restez cachés restez dedans les petits mots ne partez pas dehors restez noués tassez-vous bien au fond de ma gorge dans les tréfonds de moi dans les organes l’organe d’une voix la petite voix tout entassée restez tassés les petits mots ne sortez pas n’allez pas vous montrer restez avec papa c’est le papa des petits mots qui vous parle c’est votre petite papa les petits mots et qu’est-ce qu’elle a dit papa? elle a dit quoi le papa des petits mots? elle a dit de rester là bien sagement tranquille restez tranquille mes petits mots à moi tout contre tout doux oui comme ça oui, c’est bien! tout doucement dodo fais dodo contre papa les petits mots papa va vous raconter une histoire papa va parler à ses petits mots papa à des choses à leur dire papa va vous endormir dodo les petits mots allez il était une fois un grand méchant mot il était une fois dans la ville plein de grands méchants mots avec des gens dedans il était une fois des petits mots qui s’étaient perdus et les méchantes gens ils voulaient du mal aux petits mots parce que les petits mots savaient pas les petits mots ils étaient tout gentils les petits mots car au départ c’est tout des petits mots tout gentils au tout départ de tout et les méchantes gens avec leurs méchants mots ils les voient les méchantes gens ils veulent les attraper pour dire méchantes choses à tous les petits mots pour les remplir de méchantes choses en dedans pour que ça grouille de toute la méchanceté dedans pour leur faire avaler qu’il faut méchamment parler à tous les petites gens et les petits mots ils résistent c’est dur! c’est dur de dire des saloperies quand on est un petit mot tout gentil tout doux tout mignon câlin les petits mots câlin dodo papa va aller dehors maintenant papa doit aller travailler maintenant restez bien noués papa doit partir travailler maintenant restez bien au chaud les petits mots bien sages bien entassés allez dodo les petits mots dodo dedans la gorge dodo dedans papa
Charles
pennequin
j’habite cette ville, c’est presque une ville comme les autres, une ville où on vous dit ça va, et on répond ça va, et ça va pas plus loin, une ville où on se dit ça va et les autres ils disent ça va, mais est-ce que ça va, ça y va dans la ville, comme dans tout plein d’autres villes, ça on en sait rien si ça y va, on sait pas si ça va même y retourner, si l’autre se retourne, qu’il dise ça va, mais on sait pas vraiment, tout le monde se fout de tout le monde, et les gens ont pas le temps, ils ont juste le temps de se foutre de nous, c’est-à-dire de tout le monde, et puis on en fait partie, on fait masse, on est aussi dans le foutage de gueule généralisé, on fait ce qu’on peut, on fait partie des gens, avec nos envies réfrénées, sinon c’est pas sociable, on fait semblant de s’aimer, alors qu’on se déteste cordialement, et tout le monde le sait, tout le monde sait ça en vrac, mais le jour où tu dis ça va pas y a un vieux blanc, faut pas le faire trop souvent, sinon c’est le bide assuré, faut faire semblant d’aimer, faut faire aller, ça va ça va, être un peu dans l’amitié, mais l’amitié l’amitié, les gens changent aussi, ça va ça vient l’amitié, toi tu changes aussi, tu dis ça va mais c’est pas le même ça va, il a changé le ça va, la vie avance et c’est pas acquis, rien n’est acquis, le ça va non plus, le bonjour ça va de l’autre, il change et le mien aussi, et pourtant il se répète, on peut faire vingt ça va d’un coup, vingt ça va d’une traite, ou pendant vingt ans, tu dis ça va vingt ans de rang, et un jour c’est plus le même, ou alors dans une journée y a vingt ça va, mais pas un n’est le même, c’est des ça va qui varient, qui font monter la sauce, la température, la moutarde te monte au nez, à un moment donné tu vas dire ça va plus, et ça va pas la tête, elle est partie, depuis des lustres, pas de nouvelles, bonnes nouvelles, après ça ira mieux, ça peut pas aller pire, et puis après il faut partir, on se répète on se répète, tous les jours les ça va qui nous viennent, avec des lendemains peu sûrs, mais c’est les mots qui sont peu sûrs, tout d’un coup l’intention change, le ça va change de ton, on change de disque, c’est encore la formule, mais dedans quelque chose de pas bon, ça s’appelle l’intention, car les mots ça n’a pas de sens, c’est pour ça que les gens se comprennent pas, car ils se méfient pas, ils ferment pas assez leur gueule les gens, ils ferment pas leur ça va, le ça va continue, jour après jour, il prend le large, jour après jour la grande gueule des ça va, la mauvaise gueule des jours
c’est mort ici. ou presque. c’est quasi mort. on n’en a plus pour longtemps. ailleurs c’était moins mort. mais ici, si vous voulez sortir le soir, c’est mort. faut rester chez soi. mais même chez soi c’est mort. la télé est morte. vous sortez dans la télé. vous voulez passez une bonne soirée. mais c’est la télé qui veut passer une bonne soirée. du coup elle dit c’est mort ici. elle passe la soirée ailleurs. on sait pas où. certains savent où elle passe ses soirées la télé. pas chez moi en tout cas. chez moi c’est mort pour la télé. du coup je la regarde. je vois des gens sortir. ils disent qu’ils sortent mais c’est pour faire un effort. pour dire d’être sortis. puis après ils re-rentrent. y en a comme ça qui sont morts, de faire tant d’allers et venues pour rien. les experts vous le diront : ne sortez pas couverts, surtout si c’est mort tout partout. pas d’allers et venues inutiles. restez chez vous. même si c’est mort. ils le disent tous les experts à la télé.
avec l’autre, c’est pas la joie. il est mal vu celui là. il fait rien pour les autres. j’espère qu’il repassera pas. il se peut qu’il repasse. s’il repasse tant pis pour nous. il est comme il est, après tout. il en favorise certains, il laisse tomber tous les autres. c’est l’pire qu’on ait eu. parmi tous les autres. les autres pas mieux. peut-être pas pire. mais lui, dans le pire, on fait pas mieux. c’est sûr c’est pas la joie avec lui. c’est un autre ça serait pareil. ou à peine mieux. c’est à voir. y en a p’tête d’autres. d’autres des pires. mais j’ai pas en mémoire. lui, il veut en finir. je veux dire l’autre. il veut finir d’en rester là. ou alors c’est nous. nous on veut continuer à ne pas en tenir compte. mais c’est lui qui ne tient pas compte de nous. et ça serait à nous de tenir ses comptes. ce sont des comptes d’apothicaire, dit l’autre. mais c’est lui qui les relance. il nous lance la balle au mot. on tient même plus compte de ce qu’il dit. c’est tout à l’envers. ça ne nous dit plus rien. c’est lui qui nous en dit le plus. le plus à nous en dire rien. c’est lui, je veux dire l’autre. et c’est nous qui croyons qu’on nous en dira un peu plus. mais lui, il nous met dans une belle panade. c’est nous qui croyons être dedans, alors que c’est lui qui nous y fait intervenir. on intervient dans sa panade. c’est juste ça. on croit qu’on va finir par s’en sortir. mais c’est l’autre qui nous en croit sortis. on ne va pas s’en sortir.
l’espace rend les gens agréables l’espace les gens se voient moins ils devinent juste ils devinent les gens qu’il y a d’autres gens ça les rend agréable qu’il y ait pas trop de gens que les gens soient noyés dans l’espace que l’espace les efface ça les rend agréable que l’espace soit un vaste trou c’est un bon trou d’espace ici un trou où ça respire les gens peuvent souffler dans leur trou respiré ils respirent ça rend agréable de vivre être vivant c’est plutôt pas mal disent les gens être en vie c’est plutôt pas désagréable dans cet espace là les gens tombent dedans on les voit plus ils sont dans un coin d’espace agréable ils se dispersent ils sont moins les uns sur les autres les autres les uns avec les autres les uns sur le pourtour des autres comme si les uns envahissaient les autres comme si les autres ensevelissaient les uns tous les uns et tous les autres à s’épier à se regarder de travers tout en tombant dans un trou qui respire plus alors qu’ici ça respire ici on tombe dans un espace vivant un espace respirant les gens disent ça me plairait bien d’être ici ça me plairait bien d’être vivant ça me toucherait beaucoup si j’étais en vie ça me rendrait agréable dans cet espace-ci un espace agréable où on touche le vivant tout en respirant
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Charles Pennequin est vivant.
Absolument vivant.
C’est-à-dire dans la merde.
Publication dans de nombreuses revues. Performances et concerts dans la France entière et un petit peu à côté. Vidéos à l’arrache. Écriture dans les blogs. Dessins sans regarder. Improvisations au dictaphone, au microphone, dans sa voiture, dans certains TGV. Quelques cris le long des deux voies. Petites chansons dans les carnets. Poèmes délabrés en public. Écriture sur les murs. Charles Pennequin écrit depuis qu’il est né.
Liens – Critiques :
http://www.pol-editeur.com/index.php?spec=livre&ISBN=978-2-84682-191-9
http://www.pol-editeur.com/index.php?spec=livre&ISBN=2-84682-011-2
http://www.lmda.net/din/tit_lmda.php?Id=13077
http://www.lelibraire.com/din/tit.php?Id=7107
http://www.lelibraire.com/din/tit.php?Id=6640
http://www.lelibraire.com/din/tit.php?Id=7107
http://www.sitaudis.fr/Parutions/mon-binome-de-charles-pennequin.php