Béatrice Machet
Photo : Bipe Noder
(France-USA)
simple réflexion
parler avec une langue fourchue
c’est ce qu’on fait en parlant deux langues
qu’en est-il du soi et qu’en est-il de l’identité
qui est le menteur
la langue maternelle ou celle qu’on a apprise
la donnée ou l’acquise
et quid du
genre
c’est-à-dire étant une femme
étant la vierge et la putain
la mère et l’enfant
et voulant être aimée pour tout cela
qui fourche ma langue
je veux dire
ayant des problèmes constants dans les plis innombrables des divisions comment être vraie à moi-même et parler authentiquement quelque chose qui peut être vu comme une suite de signes manquant de logique … comme si parler n’était pas profondément enraciné dans ma gorge : seule et unique
donc
on doit envisager une
médiation
Est-ce possible entre deux langages et pour quel enjeu ? Traduction? Comment votre langue récupère ses deux parties réunies en un muscle ? Avec quelle énergie quel carburant quelle âme ?
Est-ce une question de vent
comme quand vous naviguez…
Pourquoi le balancement serait un mouvement binaire
quand l’équilibre est bien plus subtil
comme dans une phrase
ainsi qu’il est attendu lorsqu’on est attaché
au langage…
langue fourchue comme je suis je me demande:
est-ce que la lumière du phare est fourchue ?
Est-ce que clignoter est un synonyme qui remplacerait fourchu ?
La flamme d’un feu est-elle suspecte d’être fourchue ?
Ou d’être contrefaite?
Poser des questions est-il une façon de donner un sens à la vie?
De donner sens à soi-même?
Cependant … est-ce un soi privé intime ou un soi public …. fourches et divisions encore
mais entre : une relation
navigue juste «voile» à ajouter et vous allez sur les eaux animées par des courants
donc un procédé de « choses » non statiques
et devant moi le fourchu (comme pour tout sillage) se fermera en une flamme aux contours réguliers
alors que derrière moi l’analyse hors d’haleine tirera la langue…
Est-ce ce qu’on appelle créer ? Ne pas perdre le contact avec le soi
qu’il soit divisé ou pas…
ne pas perdre la connexion avec ce qu’est la pensée qui est incontrôlable fusse en fourchant en divisant ou en déconstruisant…
Est-ce que fourchu(e) est un moyen d’être sauvage?
Est-ce que fourchu(e) est un moyen de saisir et d’envelopper un « tout » relativement vaste comme des tentacules saisiraient et envelopperaient ce qui deviendrait sa propre nourriture ?
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Béatrice Machet est l’auteure de 14 recueils de poésie en français et deux en anglais. Elle collabore régulièrement avec des artistes de toutes les disciplines tels que peintres, sculpteurs, danseurs, chorégraphes, compositeurs, vidéastes et musiciens avec lesquelles elle performe sa poésie. Elle est membre du collectif de poésie sonore basé à Lyon, appelé Ecrits/Studio. Elle a bénéficié de résidences d’artistes, mène des ateliers d’écriture, a enseigné l’écriture créative dans des universités à l’étranger, donne des materclasses… Elle est la traductrice de plus de trente auteurs contemporains Indiens d’Amérique du nord qu’elle fait publier en France dans des ouvrages anthologiques ou dans des revues. Son travail est traduit en espagnol, en roumain, en albanais, en russe, en bulgare, en chinois, en albanais, en néerlandais, est publié dans des anthologies en grande bretagne ou bien dans des revues britanniques ou américaines telles que Poetry Review et Dawnland. Ellle est membre de comité éditoriaux et rédactrices pour les revues Recours au poème, Sur le dos de la tortue and Les cahiers d’Eucharis. Elle produit et anime également des émissions de radio dédiées à la poésie contemporaine pour radio Agora à Grasse, Alpes-Maritimes. Elle vit entre la France et les Etats-Unis.