Anne-Marie Bernad
(France)
Puisque les hommes vont
Inédits – 2015
Puisque les hommes vont
le long des dunes d’ombre
c’est qu’ils ont besoin
d’espace et liberté
Dimension fébrile
où la beauté se risque
sur ces chemins de pierres
Je veux les suivre dans l’ignorance
devenir cette histoire
sans réponse
de hier et de demain
entre le jour et la nuit des ciseaux
qui découpent le sable
dans une partition
où s’accroche la vie
Ne pas s’arrêter
se suivre dans le doute
vers l’inspire du désert
où les mots s’acheminent
au bord des lèvres
Ligne de crête
peur serrée du vide
instant du dévers
ce désordre
qu’il faut remplir de soi
Sous le vernis
l’indomptable
craquent les mots de l’âme
qui se lézarde
Le mur n’est pas loin
où se faufile l’inutile
Le vide survient
sous le banc froid des certitudes
Nous ne savons rien
du maintien de l’écrit
de ce qu’il reste
sauf le trait sur l’ardoise
dans un geste furtif
Déchire le temps
sur des notes anciennes
sur des cascades endolories
où la lèvre tremblait
avec la fleur
C’était le jour
du silence qui flâne
où l’herbe s’étend
tout près
à corps perdu
dans la soif
du possible
Tout parle de couleurs
L’aube
efface la distance
d’une nuit grise
Je préfère suivre le geste
du peintre sur sa toile
ou du poète
qui regarde jaloux
l’ombre entre les lilas
et définit l’espace
mauve
d’une méditation
(Mahmoud DARWICH)
Nous sommes enfin
derrière les portes
de ceux qui disent
que la lumière s’ouvre
et que tout est en ordre
mais ce qui déborde
ce qui coule
ceux sont les mots
ces odeurs rondes
parfumées
qui m’accompagnent
dans la tendresse chaude
des peignoirs
Le repos
sillonne le grand large
ridé de confidences
devient épique
s’orne de retours
de souvenirs
phares d’anniversaire
une année de plus
apprend à se taire
Accent circonflexe du temps
qui révèle le sommet
d’ une innocence
agitée
Ne pas se dire
mais dire l’autre
rayon qui brûle
au fond des draps
angoisse
du rire jaune
sous perruque rousse
Fébrilité de l’ombre
rue du souvenir
à l’assaut des falaises
Se taire et contempler
écouter le fond
le sauvage remous
des vagues qui s’écrasent
au plus bas
Donner à vivre
ce qu’il reste de jours
avec la pauvreté
de celui qui respire
On pousse la porte
d’une pièce vide
le blanc des murs s’éclaire
l’espace va s’ordonner
dans une translation
de vie et d’habitudes
C’est le risque de l’étrange
du jour et de la nuit
Le regard
soutient un paysage neuf
ouvre le rêve
déjà un parasol
pose un œil provisoire
ailleurs
le lit absent du sommeil
la table inventée
l’ombre de la télé
Tout un mouvement d’images
dans cet instant désert
ce lieu nouveau
où tout s’invente
Je retiens demain
pour que s’ouvre le jour
où la blancheur s’installe
pose la différence
du cercle
sans raser les murs
d’une souffrance vaine
Il y a dans ce refuge
l’ascension d’une vie
transfigurée
émiettée dans le temps
à jamais
dans l’exil heureux
de son silence
Etre dans ce moment
où la joie s’installe
dans le murmure providentiel
que donne
une ruche de miel
Galerie SEPIA à Villefranche de Rouergue avec le poète Gilles LADES
Anne Marie BERNAD lit ses poèmes sur les VISAGES accompagnée à la guitare par Françoise
LE CHOC
Tout est dérisoire
lorsque le choc s’installe
dans l’image déchirée
des cœurs arrêtés
L’angoisse
l’innocence
les crimes de l’innommable
ceux qui ont explosés
ceux qui ont tués
et les larmes bleus
du blanc des martyrs
au sang rouge
deviennent des ruisseaux
des mouvements de foules
des lumières tendres
aux fleurs sereines
devant les vitrines absentes
où l’on se penche
devant l’ailleurs
l’inconnu déjà souvenir
l’impossible réalité
du mourir
Devenir tricolore
se tenir droit dans l’odieux
avec l’accent fort
d’une nation atteinte
au cœur de ses entrailles
dans le mélange inaudible
des corps meurtris
Ne pas regarder
et voir
à tout jamais
ne pas avoir peur
et trembler
Crier et se taire
dans cette obscurité
où fébrile
la vie s’accrochait à une porte
une fenêtre
un grenier
une cour
et l’inhumain
choisissait
le tas du hasard
Poser en pleurs
la fleur de ceux qui portent
en eux l’injuste
et qui cheminent seuls
tout au fond des pavés
et puis l’armée frères
ceux qui résistent
debout
serrés jusqu’à l’hymne
ceux qui veulent la guerre
et ceux qui n’aiment pas
le feu du sang
Tout est mortel
Tout ressuscite
le tournoiement
d’une aile dans le vent
avec la précision
du compas
et le regard aigu
qui plonge sur la terre
Faut-il se taire ?
Quel est ce jour ?
Le soleil s’ennuie
sur quelques feuilles mortes
pas encore tombées
Sommes nous de ceux qui s’accrochent
à nos bras dépeuplées
dans l’esprit
d’une saison normale
au pays des lumières
et des gorges glacées
Nous allons seuls à la rivière
patauger dans l’effroi
Où sont nos pierres
arrachées la terre
nos sources claires
Il faudra bien
sortir de la géhenne
reconstruire le temps
pour apprendre l’espace
et poursuivre nos rêves
Ne pas désarmer
le soldat de l’ombre que nous sommes
droit dans nos bottes
une fleur au fusil
ne pas oublier
l’armée des ombres
désormais invincible
sans arme
sauf le poids de l’innocence
et des vies sacrifiées
aux fruits de la haine
Muet d’horreur
devant l’esprit
qui nous assaille
devant le silence
qui nous paralyse
Je demande aux mots
la parole
pour ceux qui n’en ont pas
pour le cri dépeuplé
solitaire
qui accompagne
le vide désespéré
des justes
la libération des orphelins
d’un monde carcéral
où tout se mélange
d’où s’évade l’amour
désincarné
remisé au fond des consciences
qui croient détenir la vérité
On a le droit
de trembler
dans l’incertitude
mais pas de rebrousser chemin
et de s’ouvrir à la béatitude
de l’enfant qui sourit
et espère
On ne peut pas crier de joie
dans ce monde qui pèse
Sourire souffre
Se méprendre est un leurre
Il faut trier
dans l’assommoir du redoutable
les gestes heureux qui butinent
dans nos jardins de vie
Se lever ensemble
pour retrouver le sens
du bien qui nous unit
du geste qui exulte
et nous rend au bonheur
Le cri de mort
pour la vengeance
surgit dans les esprits
de ceux qui le subissent
Rendre à la malfaisance
une place d’honneur
tuer la vie pour effacer le sang
Ces mots nous glacent
ils suspendent le rêve
effacent l’injuste
ils se retournent et nous regardent
La honte d’être
rejoint l’ignominie
Mais repenser le souvenir
ne pas oublier la détresse
s’abandonner dans la clarté
d’un édifice sacré
secoué de lumières
c’est un fanion planté
aux couleurs du Pardon
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Née à Decazeville résidant à Rodez
Membre de la société des lettres de l’Aveyron et trésorière pendant dix ans des Ecrivains du Rouergue à Rodez
A été reçue au Théâtre d’Aurillac ( 15) avec Claude BARRERE pour un témoignage poétique, ainsi qu’au club de poésie de l’Institut Catholique de Toulouse
A collaboré à la revue Loess et à la revue du Rouergue
Prix Voronca en 1973
BIBLIOGRAPHIE
Œuvres Poétiques :
Les mots tombés – Verticales 12 – 1970 – Epuisé
Signes du matin –Plein Champ – 1971
Entre sable et argile – Subervie 1973 Prix Voronca
L’envers de l’arbre – Verticales 12 – 1976- Epuisé
S’eve – Subervie – 1980 Epuisé
Cîmes sera demain – Chambelland – 1987 Epuisé
Multiples N°48 – 30 Poèmes – 1993 – Epuisé
Reviens à l’innocence – l’Harmattan 2009
ESSAI :
Le mot et la parole -2000 Edition Clapas
REVUES :
Multiples N° 50-51
Friches N°10 et en 2010 n°104
Souffles N°180
Lieux d’été
Anthologie des poètes du Sud-Ouest
Encres Vives 200eme
La revue du Rouergue
Le journal des Poètes (Bruxelles)
Présence de l’Ouest
Poésie en Rouergue Rougerie
Franche Lippée N°178 Clapas
Soi-Disant N°16
2004 Multiples N°65
La revue du Rouergue 2007
Feuille N°4 Wald
L’Arbre à Paroles 2009 N°143
Multiples 2009 Anthologie n°75
Filigranes 2010 n°76
Phoenix 2011 N°3
Traduite en ROUMAIN dans ARCA n°1-2-3 en 2001
et dans POEZIA ed Fundatia Culturala N°3 en 2002