Alba Méndez de la Peña
(Espagne)
POEMES
cachée dans le castro d’Ortoño1
l’air humide dans la poitrine
pénombre
clair de lune
des ombres noires
viennent vers moi
sans lueur
impossible apaisement
laissez-moi respirer
une enfant pleure
elle pleure
et personne ne s’en aperçoit
étrangère dans sa patrie
victime de représailles
naît sa propre expression
comme d’un peuple
une langue
minorisées
les yeux ouverts
pleins de larmes
Elle:
Regarde-moi bien dedans
Regarde vue fatiguée
Regarde-moi car j’ai froid
Dans tes draps enveloppée
Lui:
Je voudrais bien ma brunette
Je voudrais bien dépasser
Tout ce fracassant orage
Qui me mène outre la mer
Elle:
La porte de l’espérance
Je voudrais chasser dehors
Dès la mer le rêve s’éveille
Et l’amour jamais ne dort
Lui:
Si cette espérance injuste
Notre amour ne guidait pas
Pour y déposer ma rage
La mer ne suffirait point
Elle:
Si la rage qui te manque
Sur terre je réunissais
Vallée creuse ou haute montagne
Tout submergé resterait
Lui:
Je ne sais de quelle manière
Tant de forces réunir
Pour lutter dans la distance
Pour l’amour et la patrie
Elle:
Un corps n’est jamais sauvé
Des idées renégates
Par d’autres pays ou plaines
Ni par des chiennes de garde
Tous:
L’amour dans la mer repose
Sur les malheureuses vagues
Lui poursuvait l’au-delà
Elle désaimait son âme
soif d’amour
par l’absence du joueur de cornemuse
infini désir
impatiente amoureuse
long intervalle d’attente
espace
traître!
folie sauvage
qui nous éloigne!
soudain
un baiser
au loin sourit
le voilà!
moi
heureuse
à nouveau
Eh bien, le voici mon cœur,
Si tu veux tu peux le tuer
Mais tu es à son intérieur
Et toi aussi tu mourrais2
tu frôles le délit
convoitant le sang sur les mains dénudées
remontant la poitrine
les joues
la langue sur le corps
raide
recréant
une et mille fois
la chute
comme un poids
inerte
pour tomber dans le vide
près du corps
qui ne répondra plus
à tes secousses
lui
qui était bourgeon de tes colères
motif por ton allégresse
rage
illusion
douleur
force
tout le parfum de la mer
poignant abri dans le repos des ondes
tellement toi
que toi-même
né de toi
et pour toi
toujours vivant
de la passion pour le conflit
amour du renoncement
la dissension
écraser
écraser
moribond entre tes mains
et mille fois ressuscité
après un accès de pitié
envers lui
envers toi
qui meurs un peu
avec sa mort
Je frissonne
au village
tout est calme
presque immobile
sa force se taît
les champs sans mains pour les labourer
les maisons tristes
les terres en friche
les troupeaux reniant les racines
les airs absolument muets de la langue maternelle
un brouillard épais qui m’étrangle
pays silencié
pour qui le gouverne
ici on n’ entend que les fracas des travaux publics
routes
chemins
accident du paysage
je
frissonne
sensible
devant la mort
Traduction: Henrique Harguindey Banet
1 Il paraît que Rosalía de Castro a passé ses toutes premières années au lieu du Castro d’Ortoño où son père supposé, un écclésiastique, est né. Le nom de famille et le nom de lieu Castro sont très fréquents en Galice et font allusion aux anciennes fortifications ou peuplades pré-romaines très abondantes dans la Gallaecia.
2 Chant populaire de la Galice que Rosalia de Castro reprend dans ses Chants galiciens
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Alba Méndez de la Peña
Née en Espagne (Galice), Moaña, 1985.
Maître de musique et d’éducation.
Collaboration à différentes revues:
– Journal de l’expression poétique Dorna, parrainé par l’Université de Compostelle
– Magazine Atenea, propriété de l’Ateneo de Ferrol
– Magazine Madrygal, Université Complutense de Madrid
Collaboration à des ouvrages collectifs de poésie:
– Sétimo Andar, Poesía Alén, édité par le collectif poétique A Porta Verde do Sétimo Andar, 2010.
– De Castro. Collaboration poétique avec Alberto Moman.